REPORTAGE. S’adapter, compenser, réparer… À la Cop29, ils viennent partager leurs solutions

Description de l'article de blog : À côté des négociations politiques, la Cop29, entrée dans sa deuxième semaine à Bakou, est aussi un endroit de rencontres et d’échanges pour ceux que l’enjeu climatique mobilise.

Philippe MATHÉ

2/26/20254 min read

À côté des négociations politiques, la Cop29, entrée dans sa deuxième semaine à Bakou, est aussi un endroit de rencontres et d’échanges pour ceux que l’enjeu climatique mobilise. À des degrés différents, avec des intérêts parfois éloignés. Voici des exemples venus de plusieurs continents.

L’entrée de la Cop29 qui se tient au stade olympique de Bakou (Azerbaïdjan) du 11 au 22 novembre 2024. | OUEST-FRANCE

Ouest-France

Philippe MATHÉ, envoyé spécial à Bakou.

Publié le 18/11/2024 à 15h45

Newsleter Décryptons : l'environnemen

Ils n’ont pas bonne réputation auprès des militants environnementaux qui les voient comme un droit à polluer. Les crédits carbone ont fait l’objet des premières décisions prises à la Cop29, à Bakou qui est entrée depuis lundi 18 novembre 2024 dans sa deuxième semaine. Avec des règles mieux établies pour ce marché encore opaque.

Le principe du crédit carbone ? Faire financer par des entreprises polluantes des activités compensant les émissions de gaz à effet de serre. La Congolaise Julie Ndawele Ngbo-Ngbo en a entendu parler aux débuts des années 2000. Une formule l’a immédiatement attirée : l’or vert. « À l’époque, je militais pour l’annulation des dettes illégitimes. Le crédit carbone était une opportunité de préserver nos forêts et de créer des financements locaux », résume-t-elle.

« Ma famille m’a prise pour une folle »

Ils ne sont pas nombreux en République démocratique du Congo à saisir l’opportunité. « Quand j’ai expliqué que je voulais obtenir des concessions forestières, toute ma famille m’a prise pour une folle. En RDC, nous avons tout le tableau de Mendeleïev (tableau qui regroupe tous les éléments chimiques connus) dans notre sol. Le bois n’a aucune valeur. » Et pourtant, avec ses 170 millions d’ha de forêt équatoriale - deuxième plus grande superficie au monde derrière le Brésil -, le bassin du Congo est le plus grand puits de carbone de la planète.

Julie Ndawele Ngbo-Ngbo s’est lancée il y a vingt ans dans la compensation carbone en République démocratique du Congo. Elle vit à Bakou sa première Cop. | OUEST-FRANCE

Voir en plein écran

En 2007, Julie Ndawele Ngbo-Ngbo en acquiert 758 000 ha pour 100 000 $. L’année dernière, des Belges lui ont proposé de racheter ses concessions pour 5 millions de dollars ! Elle a refusé. Derrière son projet, la cheffe d’entreprise, dont la société travaille sur les énergies vertes, veut proposer des solutions contre la déforestation, des alternatives au bois de chauffage et compte réinvestir 60 % des bénéfices des crédits carbone au profit des communautés locales.

« Si la RDC ne prend les choses en main, d’autres le feront à notre place. Il y a une méconnaissance des enjeux dans notre pays, c’est facile de se faire duper sur les prix. » À Bakou, pour sa première Cop, Julie Ndawele Ngbo-Ngbo est venue à la pêche aux informations pour avoir les bons outils pour négocier afin de se passer d’intermédiaires et trouver des partenaires fiables.

Climat : faut-il rendre les COP plus coercitives ?

Inondation et sécheresse, « les deux faces d’une même pièce »

Partenariat, échanges d’idées, rencontres… C’est aussi cela l’intérêt d’une Cop. On vient du monde entier pour mieux comprendre comment fait le voisin. Certains pays sont confrontés à des problématiques que d’autres découvrent tout juste à cause du réchauffement climatique.

Contenus Sponsorisés

Qui aurait ainsi pensé, il y a seulement dix ans, que le nord de l’Italie serait confronté à des sécheresses sévères et à des inondations destructrices à répétition ? « Ce sont les deux faces d’une même pièce », observe Daniel Barbone.

Daniele Barbone travaille à l’adaptation des politiques publiques de l’eau dans le nord de l’Italie. | OUEST-FRANCE

Voir en pein écran

Habitué des Cop, il dirige Acqua Novara, une compagnie des eaux qui compte 140 communes dans son giron, et plaide depuis de longues années pour s’adapter au changement climatique : « Nos glaciers, les entrepôts de notre eau, pourraient ne plus connaître de températures négatives d’ici à 2040-2050. C’est demain ! Il faut que nous préparions le modèle des 30 ans à venir maintenant. »

Cela signifie adapter et numériser les infrastructures, réduire les fuites d’eau, mieux réutiliser les eaux usées quand l’usage le permet, trouver des systèmes qui piochent dans les différentes sources de manière optimale.

Gérer la pénurie quand on a connu l’abondance ne coule pas de source. Mais Daniele Barbone veut croire que les mentalités sont prêtes à évoluer. « Le paradoxe, c’est que les sécheresses et les inondations sont notre meilleure publicité pour faire comprendre l’urgence de la situation. »

« Frustrant que ça n’avance pas plus vite »

La réalité du réchauffement climatique, Raushan Ali Firaq et Aminath Shafaq le constatent depuis plusieurs années aux Maldives. Ces îles de l’océan Indien, dont les trois quarts sont situés à moins d’un mètre du niveau de la mer, pourraient disparaître dans les trente années à venir.

« Aux Maldives, nous avons appris à vivre en fonction de la nature. Notre calendrier, le Nakaiy, est basé sur l’observation des changements du temps », explique Raushan Ali Firaq. Mais comment faire quand le climat se dérègle ? Les Maldives, en première ligne, font partie de ces pays qui attendent avec impatience que de nouveaux fonds soient débloqués lors de cette Cop.

Raushan Ali Firaq et Aminath Shafaq viennent des Maldives, une île aux premières loges du réchauffement climatique. | OUEST-FRANCE

Voir en plein écran

Comme beaucoup ici, elles désespèrent de voir les discussions patiner à Bakou. « C’est vraiment frustrant que ça n’avance pas plus vite. Les solutions pour faire face, nous les avons. Par exemple, le recours à la data pour améliorer la surveillance des côtes et prendre les bonnes décisions quand il faut installer un hôpital, des habitations… »,détaille Raushan Ali FIraq.

De la résilience, de l’espoir, les deux jeunes femmes n’en manquent pas. Elles sont aussi ici pour raconter leur combat et partager leur optimisme. À Bakou, où la Cop29 s’enlise, c’est loin d’être superflu.